Illustrations :   L'expo Universelle - Divers

A la fin des années 1890, Louis Denis-Valvérane, qui n'était pas encore assez connu pour vivre de son art, accepta un poste de chef de gare dans une petite bourgade algérienne. Le train n'y passait pas tous les jours, ce qui lui laissait beaucoup de loisirs. L'Algérie, fleuron de l'empire français, apparaissait alors florissante. La bonne conscience coloniale était intacte; la métropole ne voyait pas les problèmes posés par la présence française, ni a fortiori n'imaginait que les indigènes pussent un jour demander leur indépendance. Pays de cocagne pour les grands planteurs, l'Algérie l'était aussi, depuis Delacroix, pour les peintres, qui y trouvaient une lumière éclatante, une somptueuse palette de couleurs, de nouveaux types humains. Denis-Valvérane se montra particulièrement sensible au charme de l'Afrique du Nord, dont il devait se souvenir toute sa vie.

Cet intermède algérien trouva à s'exprimer à son retour en France: l'éditeur Cornély lui commanda en effet de nombreuses illustrations pour le Livre d'Or de l'exposition universelle de 1900, qui comportait entre autres un important volet colonial, établi dans les jardins du Trocadéro. Outre les représentations qu'il en donna, Denis-Valvérane s'attacha à décrire les coulisses de l'exposition (l'installation des stands, les petits télégraphistes, la brigade fluviale chargée d'assurer la sécurité des visiteurs le long des berges de la Seine, etc.). Le sens de l'humain, du concret, du détail pittoresque, caractéristique de sa formation mistralienne et de son esthétique méditerranéenne, s'y déploie avec bonheur. On peut penser aussi que ce travail lui apporta quelque argent, car l'exposition universelle fut un événement fort lucratif pour les entreprises qui y furent associées: de la mi-juin à la mi­août 1900, elle réalisa plusieurs dizaines de millions d'entrées et fit de Paris une sorte de capitale planétaire.
L'année suivante, Denis- Valvérane commença à exposer régulièrement dans les grands salons de peinture nationaux. En 1904, il devint secrétaire du Salon des Artistes français, où il décrocha une mention "honorable" en 1910. Ses toiles de cette époque traduisent un glissement progressif du classicisme à une tonalité plus impressionniste. Il poursuivit par ailleurs sa carrière de dessinateur, notamment dans des publications pour la jeunesse: il y introduisit à l'occasion certains thèmes légendaires librement empruntés à la tradition provençale. Mobilisé dans un fort de la région parisienne en 1914-1918, il contribua à l'effort de guerre par des bandes dessinées patriotiques.
M.S. - M.M.