Illustrations :   Denis Valvérane et ses amis - Scènes de la vie de Bohème - Une vie agitée

Son père ayant été nommé ingénieur en chef du Paris-Lyon-Méditerranée à Paris, Louis Denis- Valvérane acheva ses études secondaires au Lycée Charlemagne avant de commencer sa formation de peintre. Supportant mal cet exil, le jeune manosquin s'inscrivit à la Société des Félibres parisiens, qui comptait nombre de personnalités en vue: les écrivains Alphonse Daudet, Paul Arène, Jean Aicard, Emile Zola, le philosophe Pierre Laffitte, le sculpteur Injalbert etc. Avec de pareils noms, Paris faisait presque figure de capitale du Félibrige -fait paradoxal pour un mouvement qui se targuait de défendre l'identité méridionale contre le centralisme parisien. Mais le paradoxe n'était qu'apparent, puisque c'est précisément le centralisme qui draînait à Paris les élites du Midi.

Aux fêtes félibréennes de Sceaux de l'été 1887, Denis-Valvérane vit Mistral pour la première fois, mais n'osa pas lui parler. La rencontre entre le maître et le disciple n'eut lieu qu'en juillet 1889, toujours à Sceaux, et déboucha rapidement sur une étroite amitié. La fibre mistralienne de Denis-Valvérane avait d'ailleurs amplement trouvé à s'alimenter au contact des jeunes félibres parisiens, plus ardemment dévoués à la cause provençale que les notables déjà cités. Trois de ces jeunes gens jouèrent un rôle capital dans sa vie: 1 'historien et publiciste Frédéric Amouretti, de Cannes; le poète, publiciste et critique Charles Maurras, des Martigues; le peintre José Mange, de Toulon. A ce trio s'ajoutaient les poètes René de Saint-Pons et Lionel des Rieux, que Maurras et Mange avaient connus au collège catholique d'Aix-en-Provence, plus quelques autres encore.
En leur compagnie, Denis-Valvérane vécut la vie pittoresque, mais passablement désordonnée, des artistes et intellectuels fin-de-siècle. Noctambulisme, canulars, aventures galantes avec les innombrables demi-mondaines qui peuplaient alors la capitale, tel était leur quotidien -un quotidien dont Denis- Valvérane pérennisa le souvenir dans certaines œuvres inédites, comme les dessins préparatoires de son Martegau ou encore les illustrations dont il truffa, à son propre usage, les Scènes de la vie de bohème d'Henry Murger. Un seul sujet sérieux dans cette vie légère: l'identité provençale, d'autant plus chère aux jeunes gens qu'ils étaient loin de leur terre natale. Il vaudrait mieux par1.er d'ailleurs d'identité méridionale, car à l'atelier du peintre Jean-Paul Laurens, dont Denis­-Valvérane et Mange étaient les élèves, on parlait la variante toulousaine et non provençale de l'occitan. M.M.