Illustrations : Frédéric Mistral - Scènes provençales - Calendal - Le Poème du Rhône
Le maître par excellence de Louis Denis-Valvérane, Frédéric Mistral, naquit en 1830 dans une famille de propriétaires terriens de Maillane. Sa passion précoce pour le provençal fut encouragée par Joseph Roumanille, qui fut son répétiteur au collège d'A vignon. Mistral décrocha par la suite une licence de droit à Aix, mais sa décision était prise: c'est à la Provence qu'il consacrerait son talent et sa vie. Le 21 mai 1854, avec six autres jeunes poètes (dont Roumanille), il fonda au château de Font-Ségugne, près d'Avignon, une association consacrée à la défense de la langue provençale et de la culture méridionale: le Félibrige (de felibre, qui signifie à la fois "docteur de la Loi" et "nourrisson des Muses").
Les "Sept de Font-Ségugne" se firent vite connaître dans le Midi, notamment par leur Armana Prouvençau (Almanach Provençal), mais c'est Mistral qui valut au Félibrige sa reconnaissance nationale: son drame en vers Mirèio (Mireille), publié en 1859, séduisit en effet Lamartine, qui en assura la promotion à Paris. De là, l'engouement félibréen franchit les frontières françaises, comme en témoigne le ralliement du poète catalan Victor Balaguer (en l'honneur duquel Mistral composa en 1868 l'hymne du Félibrige, la Coupo Santo) ou celui du poète irlandais William Bonaparte-Wyse, petit-neveu de Napoléon 1er.
Mistral espérait utiliser ce capital de sympathies pour faire progresser la cause de la décentralisation, mais il courut de déceptions en déceptions, tant sous le Second Empire que sous la Troisième République; on le comblait d'honneurs, mais on n'écoutait pas son message politique. D'autre part, des dissensions linguistiques se firent jour dans le Félibrige à partir de 1878 : Languedociens et Marseillais affirmèrent leurs parlers propres contre les normes rhodaniennes de Mistral. Le mouvement fédéraliste provençal de 1892 tenta bien de surmonter ces tensions, mais il ne tarda guère à faire long feu. Par la suite, quoique personnellement conservateur, Mistral refusa de "droitiser" le Félibrige comme l'y incitait son disciple Maurras.
Mistral mourut en 1914, peu de temps après avoir été honoré d'une visite spéciale de Raymond Poincaré, Président de la République. Il laissait à la postérité une dizaine de chefs-d'œuvre: Mirèio, Calendau, Lis Isclo d'Or, Nerto, La Reina Jana, Lou Pouemo doù Rose, Lis Oulivado, Memori e Raconte et un dictionnaire, Lou Tresor dou Felibrige, dont la valeur scientifique est encore reconnue aujourd'hui. A cet imposant ensemble, couronné en 1904 par le Prix Nobel de Littérature, il faut ajouter la fondation en 1899 du Museon Arlaten (le Musée arlésien), qui constitue le testament ethnographique de l'ancienne Provence. De nombreuses œuvres de Denis-Valvérane y figurent. M.M.