Illustrations :   La famille - La ville natale

Louis Denis-Valvérane passa une bonne partie de son enfance à Manosque, pour laquelle il eut toujours une véritable passion. Sise sur la rive droite de la Durance, la ville forme transition entre les collines qui prolongent le Luberon et les cultures de la vallée. L'exceptionnelle fécondité de son terroir justifie le dicton provençal: "Si la Provence était un mouton, Manosque et Pertuis en seraient les rognons". L'histoire de Manosque est aussi riche que sa géographie. Dès le VIe siècle, la ville abritait un sanctuaire marial prestigieux, sans doute lié à la statue actuellement vénérée sous le nom de Notre-Dame du Romigier. En 1206, elle reçut du dernier comte de Forcalquier une charte dite des "Grands Privilèges" faisant d'elle une sorte de république bourgeoise, avec à sa tête 12 Consuls élus annuellement par 60 Prudhommes, eux-mêmes nommés à vie par les habitants. Cette autonomie favorisa le développement de Manosque, dont témoignent encore ses deux églises principales, Notre-Dame et Saint-Sauveur, la porte Saunerie, vestige le plus remarquable des anciens remparts, et maintes belles maisons.

Les privilèges de Manosque furent abolis par la Révolution, mais leur souvenir resta vivace dans la population. Né moins d'un siècle après ce déclassement, Denis-Valvérane baigna encore dans une atmosphère de patriotisme municipal incarnée notamment par son grand-père maternel, Alphonse-Pascal Allemand. Percepteur, fils de percepteur, petit-fils d'avocat, ce dernier était très impliqué dans la vie locale: il fut l'un des bienfaiteurs de 1 'hôpital, l'un des pères du canal de Manosque et l'un de ses juges de paix suppléants. Sa maison, dotée de deux beaux jardins, était chargée de souvenirs historiques, ayant jadis appartenu à la branche manosquine de la noble famille aixoise de Garidel. Le grand-père Allemand avait par ailleurs des terres au soleil, d'où une proximité avec la paysannerie qui explique que la langue provençale ait été d'usage courant dans son entourage. Les autres branches de la famille -les Comte, notaires à VoIx, les Boyer, percepteurs à Manosque et aux Mées- appartenaient à la même bourgeoisie mi-citadine mi-rurale.
La sensibilité de Denis-Valvérane dut beaucoup à cet univers traditionnel: nostalgique des "Libertés Provençales", il s'enthousiasma de bonne heure pour Frédéric Mistral et le Félibrige. Son patriotisme régional trouva rapidement à s'exprimer dans les arts graphiques: le jeune homme était ici à bonne école, car son père, l'ingénieur des Ponts et Chaussées Ernest Denis, était lui-même doté d'un remarquable talent de dessinateur et d'aquarelliste, disciplines qu'il avait apprises à Polytechnique. M.M.